AFP
MERCREDI 2 AVRIL 2003
08:58


• Cinquante ans après, M.Hulot reste le citoyen préféré de Saint-Marc-sur-Mer

Cinquante ans après la sortie des "Vacances de M.Hulot", Saint-Marc-sur-Mer reste éprise du distrait bonhomme dégingandé qui l'a immortalisée, et les souvenirs du tournage du film de Jacques Tati (1908-1982) abondent encore.

Le paysage de la petite station balnéaire voisine de Saint-Nazaire ressemble encore beaucoup au décor du film primé à Cannes en 1953, deuxième oeuvre d'un réalisateur longtemps incompris, et dont le culte cinéphilique va désormais grandissant.
L'Hôtel de la Plage est toujours là, tapissé de photos du tournage.
Ladite plage attenante a été officiellement rebaptisée "plage de M.Hulot". Elle est bordée d'une esplanade parquetée. La main appuyée au garde-fou, un bronze de M.Hulot y scrute les flots. Il porte son drôle de chapeau, mais sa pipe a été volée dès le lendemain de l'inauguration, et jamais remplacée.
La place de la poste porte le nom du cinéaste, et l'été, quelques scènes du film fleurissent sur des panneaux. C'est à peu près tout. Saint-Marc la populaire n'a pas créé de musée Tati, ni imprimé de dépliants touristiques spéciaux. Le lieu a gardé son charme sobre, comme à l'unisson d'un scénario qui multiplie les saynètes (la voiture pétaradante, le courant d'air au restaurant, le tennis chorégraphié, la barque cassée) sans qu'aucune ne domine les autres. C'est cet ensemble modeste, mais au fort parfum d'authenticité, que viennent visiter chaque année quelques milliers d'inconditionnels du film. Ils cherchent peut-être, mais en vain, à deviner les pensées de Hulot à la source de ses aventures. Car si l'on retrouvera ensuite le vacancier décalé dans "Mon Oncle", "Playtime" et "Trafic", on n'en apprendra guère plus sur lui.
Les spécialistes notent d'ailleurs que le nom de Saint-Marc-sur-Mer n'est jamais mentionné dans le film ni au générique. Mais la commune, semble-t-il, n'en a jamais voulu au maître.

"montrer au cinéma des gens ordinaires"
Jean-Louis Pichon avait 5 ans en 1951, quand Tati a demandé à sa maîtresse d'école maternelle "de lui prêter deux petits blonds" pour les besoins du film. Il se rappelle encore l'effervescence du tournage, les jeeps blanches de l'équipe, dans lesquelles les enfants figurants faisaient le tour du village sous les yeux ébahis des "grandes personnes", ou encore les sucettes que Tati offrait aux enfants après les prises.
L'été avait été pluvieux, contraignant l'équipe à rester sur place jusqu'en octobre "dans leurs grandes caravanes". Le dernier soir, on tendit une toile dans la cour de la mairie et tout le village put découvrir "Jour de Fête", premier opus de Tati sorti en 1947. "A l'époque, on était plus habitués aux westerns et aux films d'amour américains", se souvient Pierre Joubert, un autre ancien figurant. Agé de 12 ans à l'époque, il se souvient "ne pas avoir compris, à l'époque, l'intérêt de montrer au cinéma des gens ordinaires."
"J'ai essayé (...) de faire voir que tout le monde était amusant", écrivit plus tard Jacques Tati. Ce parti-pris de simplicité, en pleine apogée du star-system, n'en était pas moins du cinéma, marqué par le désir de s'affranchir d'une réalité peu riante. Et si les habitants de Saint-Marc ont toujours aimé Tati, c'est peut-être parce qu'il a masqué les façades lépreuses bordant leur plage en 1951 par de pimpants trompe-l'oeil.